- Entre salles de repos, salles de fitness et conciergeries, la révolution de l’organisation des espaces de travail est enclenchée depuis quelques années. Mais cela ne suffit pas à assurer la qualité de vie au travail, selon Dominique Losay, Président de NWOW, le « thinktank du travail réinventé. »

Le grand jour est arrivé. On fait visiter les nouveaux locaux à la direction du Groupe. Tout est flambant neuf. Les deux baby-foot sont visibles dès l’entrée de l’immeuble. Le Président a lu que c’était un gage de people care, alors fallait pas se rater sur le coup. On est allé plus loin : une table de ping-pong, des consoles de jeux en libre-service, une salle de repos, etc.
Nickel : si, avec ça, les votes ne sont pas archis favorables sur la QVT dans le people survey annuel !
Evidemment, mais je n’ose même pas en parler tant c’est banal, le restaurant d’entreprise est tip top. La conciergerie a des services très étendus. La salle de fitness est hyper équipée et les coachs quasi des copains. Le Président va être aux anges.
Comme il passe juste une heure, ça devrait le faire.
Evidemment, un tiers des occupants de l’immeuble sont des prestataires (IT, compta, moyens généraux…) et n’ont pas droit au restaurant d’entreprise. On serait en risque par rapport au « délit de marchandage ». Donc eux ils mangent à l’extérieur ou au restaurant d’entreprise mais deux ou trois fois plus cher que les salariés.
Evidemment, le midi c’est juste l’enfer pour accéder au baby et au ping pong. Evidemment l’après-midi il faut de réelles tendances suicidaires pour aller faire une petite partie à 15 h 30. « Y en a qui bossent ici ».
Evidemment, comme dans toutes les autres entreprises, l’étage des abonnés au fitness est de 15 % des salariés. Seuls les grincheux vont en conclure que ça n’intéresse pas 85 % des gens. Ils ont tort. Seule la moitié des 15 % d’abonnés l’utilisent vraiment.
Evidemment, comme partout, la conciergerie fait 70 % de son chiffre d’affaires avec pressing et cordonnerie. Enfin… faisait, parce que depuis que l’entreprise a mis en place 2 jours de télétravail, la plupart trouve le temps d’aller chez les commerçants de leur quartier plutôt que de transporter linge et chaussures au bureau.
So what ?
Nous sommes dans une situation transitoire pleine de paradoxes. Alors que parfois des CHSCT pinaillent sur le niveau de lumen des ampoules LED, les salariés travaillent de plus en plus dans des lieux hors de toute norme « code du travail » : à commencer par chez eux, mais aussi au café du coin, dans des espaces de coworking, chez un client/fournisseur/partenaire, à l’aéroport/la gare… Et si on met tout ce temps bout à bout, on peut vite arriver à la moitié du temps de travail ! Et qui d’entre nous peut prétendre – tout en plébiscitant le télétravail – que l’aménagement à son domicile est plus ergonomique qu’au bureau ?
Alors, bien entendu, la qualité des espaces de travail proposés par les entreprises est un facteur clef d’attractivité dans ce contexte :
– Parce que maintenant, il faut justifier auprès du salarié qu’il ait une raison de venir au bureau.
– Parce que, pour les nouveaux embauchés hautement qualifiés qui ont les moyens de choisir leur entreprise, ceci fait partie des critères de choix.
Cependant, ne nous trompons pas, la qualité de vie au travail, comme offre de corporate branding ne peut plus se satisfaire d’adresser le seul aménagement d’espaces de moins en moins fréquentés et concernant de plus en plus des populations à statuts différenciés.
L’encouragement à fréquenter des tiers lieux offrant eux aussi une qualité d’accueil de bon niveau ; l’intégration d’aides à l’équipement du domicile du télétravailleur ; la redéfinition des partenariats avec les fitness et conciergeries pour intégrer le nomadisme dans leurs offres sont des sujets beaucoup plus importants que le baby-foot du hall.